mercredi 18 novembre 2015

"Bénédicte avait besoin, pour vivre, d'être dépendante affectivement, moyennant quoi elle pouvait trouver la force d'être seule, voire solitaire, sauvage, au quotidien. C'est ce que son mariage lui a procuré, être dépendante affectivement. Mais comme elle ne l'aimait pas, dès qu'elle a été mariée elle s'est inventé qu'elle était amoureuse de son mari, elle a bâti de toutes pièces, mais a posteriori, la fiction selon laquelle un authentique amour les avait réunis, ou finirait par se former, telle une émulsion chimique, peu à peu, dans le creuset de leur vie conjugale, grâce à l'adjuvant de la sincérité - et elle a commencé à souffrir de ce que Jean-François ne réponde pas à ce désir d'amour comme elle l'aurait souhaité. Mais cet amour n'existait pas, c'est son besoin d'aimer qui a créé chez elle la nécessité de cet amour, elle s'est trouvée enchaînée à une chimère dont elle savait au fond d'elle-même qu'elle n'avait pas d'existence, mais à laquelle, malgré tout, elle n'a jamais cessé de vouloir croire, parce que Bénédicte était incapable de vivre sans croire. Elle avait fini par ouvlier que cet amour était un mensonge, pour la bonne et simple raison que ce mensonge était devenu la réalité sur laquelle elle bâtissait sa vie. Au bout de quelques années, la question de savoir dans quelle mesure on a un jour éprouvé de l'amour pour une personne n'a plus aucun sens, car les choses sont telles qu'elles sont et il faut bien s'en accommoder, quelque soit le nom qu'on peut leur donner, voilà tout. Le mensonge par lequel on s'est inventé un amour peut devenir la susbtance, la réalité de ce qu'on est libre de considérer alors comme un véritable amour, si on le décide. Ce lointain mensonge peut prendre le nom d'amour. Sa vie, c'était ça, amour et mensonge étaient devenus deux notions interchangeables, indifférenciées, qui se mélangeaient pour constituer le fantasme qui perdurait en elle, de réussite conjugale, de plénitude familiale, de longévité matrimoniale, au fil des jours, dans l'intimité du foyer, sous des apparences parfaitement trompeuses, y compris pour elle-même."


"Alors que Jean-François, lui, à l'inverse, ayant été élevé dans une grande rigueur, sans beaucoup d'affection et surtout sans cette reconnaissance paternelle qu'il avait tant convoitée, le laissant assoiffé. Les gens qui ont manqué de reconnaissance dans leur enfance, j'ai remarqué une chose, ils aspirent, adultes, à toujours plus de reconnaissance, ils sont insatiables, au travail, comme dans leur vie intime, et ça donne de grands malades, de grands pervers."

L'amour et les forêts - Eric Reinhardt, p 309-311


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