mardi 8 décembre 2015

Avant-hier j'ai regardé Terra de Yann-Arthus Bertrand.

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Hier, dans ma voiture, j'ai eu une révélation : "nous affaiblissons notre espèce ! nous affaiblissons notre espèce !". J'étais convaincue et révoltée : "on se précipite nous-mêmes vers notre propre perte, mais personne ne nous dit rien ! Les scientifiques se taisent ou alors les médias font tout pour que cela ne se sache pas ! Tout ça pour le profit des industries pharmaceutiques qui préfèrent nous voir vivre vieux et malades plutôt que d'être honnête et de nous laisser mourir en paix !". En partant de mon expérience personnelle -la dépression-, je me disais qu'on laissait vivre des gens qui auraient du mourir car ils n'était pas assez forts pour supporter le poids de la vie. Dans la nature, j'aurais été condamnée, tout comme cet homme au cœur déficient ou cette femme malade. Garder ces gens en vie, et leur laisser la possibilité de se reproduire, n'est-ce pas affaiblir notre génome sur le long terme ? N'est-ce pas nous affaiblir en tant qu'espèce ? Et de quel droit faisons-nous ça ? Parce que nous voulons vivre plus vieux ? Parce que nous ne voulons pas avoir mal ? Parce que nous ne supportons pas de voir des gens souffrir ? Parce que cela rapporte de l'argent ? De quel droit faisons-nous cela ? Qui nous le permet ? Dieu n'est pas descendu sur terre pour nous donner l'autorisation de le défier. Qui faut-il contacter pour dénoncer tout cela ? Il faut agir, et vite, pour que nous arrêtions de nous nuire ! 

Je suis consciente d'aller loin et d'extrapoler, mais continuons un instant si vous le voulez bien. Si l'on garde tout ces spécimens inaptes à la vie en vie, et qu'ils se reproduisent, il ne restera à terme plus aucun individu sain. L'homme du XXIIe siècle sera malade, assisté médicalement, il ne pourra plus vivre sans cachet, sans traitement et il sera d'autant plus susceptible d'être touché par les nouvelles maladies car il sera accoutumé aux médicaments. Les virus se feront de plus en plus résistanst alors que lui sera de plus en plus affaibli.... L'homo sapiens sapiens, sera un homo debilis. Un homme fragile, inapte et profondément débile. 

Oui, car en plus de trahir notre patrimoine génétique, hérité de nos ancêtres, nous trahissons aussi ce qui fait ce que nous sommes : la sapience. Nous mécanisons tout pour ne plus avoir à réfléchir et pour nous épargner physiquement : appuyer sur un bouton et regarder le travail s'effectuer tout seul est tellement plus simple. Si toute la technologie venait à disparaître et que plus personne ne savait lire un seul livre, combien de temps mettrions-nous à la réinventer ? Les tâches sont devenues tellement spécifiques, les savants tellement spécialistes, que personne ne maîtrise l'intégralité d'un sujet. Qui est capable de fabriquer le boulon, de l'insérer dans l'engrenage et de calculer les forces et l'énergie nécessaires à faire fonctionner la machine ? Nous ne réalisons plus rien seuls. Nous sommes perpétuellement assistés. Le savoir a longtemps été une arme, il nous a permis de trouver notre place dans la nature, il nous a permis de nous élever au-dessus des animaux, il a permis de gagner des guerres, il nous a permis de nous entre-tuer toujours plus cruellement et massivement. De nos jours, il faut aller toujours plus loin, toujours plus haut, toujours plus fort. Où et quand nous arrêterons-nous ?  Il est déjà trop tard.  Je n'aime pas le progrès, je n'aime pas le changement, je voudrais que tout reste tel qu'il est, mais tout va trop vite, beaucoup trop vite et nous n'avons plus le temps de penser à tout ce que nous faisons. La machine infernale est enclenchée et personne ne sait comment elle fonctionne ni comment l'arrêter car tout cela nous dépasse. Seul Dieu, s'il existait, pourrait un tant soi peu nous raisonner (car il faut être en dehors du système pour l'analyser); si son apparition ne déclenchait pas de guerre.. pour cela, il faudrait qu'il s'adresse à tout le monde, en même temps et dans toutes les langues simultanément (Dieu doit bien être capable de faire ça non ?) car personne ne croirait son prophète si jamais il venait à être entendu...

De nos jours, tout le monde peut donner son avis.Le pauvre prophète aurait bien du mal à se faire entendre et encore plus à être cru... L'information est omniprésente et plus personne ne la contrôle. Tout et son contraire peut être dit sans que l'on s'en offense. C'est la liberté d'expression après tout... Grâce à internet je peux devenir experte en tout un tas de sujets : je peux vous parler de la reproduction des cucurbitacées ou de l'évolution de la pression dans les moteurs cylindriques. Je n'y connais pourtant absolument rien. Si je le souhaite, je peux dire tout ce que je pense, je peux participer à des débats, faire valoir l'avis qui est le mien, faire couler beaucoup d'encre pour juger une loi qui ne me plait pas ou la dernière phrase du premier ministre. 

Je peux me mêler d'un tas de choses qui ne me regardent pas, j'ai la prétention de me croire intelligent parce que je crois être au-dessus de la nature et de mon voisin, je suis tellement spécialisé que je crois être un individu particulier avec des émotions qui ne sont propres qu'à moi (la preuve ? je peux inscrire mon nom sur mon pot de Nutella ou sur ma canette de Coca), je veux me sentir original car j'ai ce besoin d'être différent des autres, je veux m'affirmer et réussir, je veux gagner de l'argent et profiter de la vie,  je prends la gentillesse pour de la faiblesse et la bonté pour de la naïveté, mais la vérité c'est que j'ai oublié que "science sans conscience n'est que ruine de l'âme" (Rabelais TMTC), que je ne suis qu'une personne lambda profondément stupide, perpétuellement connectée mais terriblement déconnectée de la réalité, je ne sais pas que la vie n'a pas de prix : je suis l'homme du XXIe siècle, et je suis des milliers.

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Aujourd'hui j'ai envie de croire qu'on va surmonter tout ça. J'ai envie de me dire qu'on est forts, qu'on est unis, qu'on essaie toujours de faire les choses pour le mieux. On traverse une crise dans notre Histoire, mais on la surmontera. On ne fait pas toujours ce qu'on devrait, c'est vrai, on pense beaucoup au profit, à l'argent, on oublie que cette terre n'est pas que la nôtre, que nous la partageons avec les animaux, avec les plantes. Oui, on a  oublié que l'homme n'était pas au centre de l'univers, nous sommes coupables d'hybris, nous voulons rivaliser avec la nature et avec Dieu.. et alors ? Qui peut nous le reprocher ? A notre place qui aurait fait autrement ? Nous attendons un signe de Dieu depuis des centaines d'années mais il préfère se taire plutôt que de venir écouter toutes nos plaintes : où était-il lorsqu'il s'agissait de régler le problème de la faim dans le monde ? le Sida ? les guerres en son honneur ? Au cours de l'Histoire, nous ne sommes pas les seuls à avoir défié le soleil (Icare s'est brulé les ailes, Promethée  a volé  le feu sacré)  et nous ne serons  sûrement pas les seuls. Dans tout ce que nous faisons, nous cherchons le profit, nous volons progresser, avancer, nous améliorer. Qui peut nous reprocher de vouloir atteindre la perfection ?  C'est le but ultime, l'accomplissement final. Au détail près, que celui-ci ne peut être atteint. La perfection n'existe pas, mais ça aussi, nous l'avons oublié. Le pire dans tout ça, c'est que nous sommes convaincus de faire le Bien : comme les colons qui voulaient christianiser les indiens, ou comme les philosophes du XVIIIe qui cherchaient à éclairer le peuple... L'Enfer est pavé de bonnes intentions comme on dit et cela n'a jamais été aussi vrai qu'aujourd'hui... En tout cas, il est stupéfiant de voir à quel point les Anciens sont indéniablement Modernes. Finalement, peut-être que nous ne progressons pas aussi vite que je le crois.. Ou alors l'Histoire est-elle vraiment cyclique ? Je ne suis pas philosophe, mai aujourd'hui, j'aimerais tellement pouvoir ressusciter Arisote et Nietzsche pour les écouter parler du monde d'aujourd'hui. Il est vraisemblable que je comprendrais rien surtout si l'un parle en grec et l'autre en allemand... 

Aujourd'hui, j'ai envie d'être optimiste, j'ai envie de croire en l'avenir, j'ai envie de croire en la vie. J'ai envie de me dire qu'un futur harmonieux est possible, j'ai envie d'aller de l'avant, j'ai envie d'aider à construire ce monde meilleur, ce monde sans préjugé, ce monde rempli d'amour auquel je pense si souvent mais qui me parait inaccessible. Cet ailleurs dont je rêve, ce pays exotique et serein, c'est demain et c'est à nous de le construire. Mais pour cela, je suis convaincue que l'homme de savoir devra se faire homme de culture. Il faudra un jour ou l'autre revenir à la terre, car "la terre elle ne ment pas" (Pétain 1940, ma gueule), elle est notre seul bien, notre seul moyen de vivre ou de survivre, elle est authentique et sincère, elle se fiche des apparences ou des préjugés, elle n'a besoin que d'eau et de soleil. 

L'homme du XXIe siècle devrait revenir à la simplicité car il ne peut plus gérer la complexité du mode de vie qu'il a lui-même imposé. Cultiver la terre de façon raisonnée et équitable et se cultiver soi-même, se nourrir de littérature, d'Histoire, de philosophie sont, selon moi, les clés qui permettront de faire de demain un monde meilleur. Peut-être que pour progresser, il suffisait de commencer par régresser. Retourner aux véritables valeurs, à la vérité. 

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Demain, l'homme vivra en harmonie avec les animaux, il n'aura pas besoin de tablettes ou de smartphone car il sera connecté avec l'univers. Il n'aura plus besoin de parfum car il saura apprécier celui de la pluie, il n'aura plus besoin d'émission de télé car il aura cessé de se moquer de la stupidité de ces confrères et il préférera les aider. L'homme de demain sera heureux car il saura apprécier ce qu'il a à sa juste valeur, il n'aura pas besoin d'avoir plus d'argent que son voisin, il ne sera pas envieux, il ne sera pas jaloux, il sera bon pour lui et pour les autres, pour les générations à venir et pour les autres espèces. Il ne se plaindra pas de trop travailler car il fera ce qu'il aime et il aimera ce qu'il fait. L'homme du futur sera un homme meilleur car il connaîtra les travers du passé et les risques du progrès. Il aimera la simplicité et n'aura pas peur du lendemain. S'il doit mourir, de faim ou de maladie, cela est son destin et il devra s'y résigner et accepter sans flancher. Il regardera sa vie et sera heureux d'avoir vécu dans le meilleur monde possible, il remerciera ses prédécesseurs d'avoir pris soin de sa planète pour lui et il sera rassuré de savoir qu'un bel avenir attend sa descendance. 

C'est à nous, gens du XXIe siècle d'inventer le monde de demain. Je n'ai pas la prétention d'avoir la solution à tous les problèmes, mais j'essaie de trouver des réponses, j'essaie d'aller plus loin, de ne pas m'arrêter aux évidences, de ne pas me contenter de râler après le gouvernement ou après mon employeur. J'essaie, modestement, de faire de ce monde quelque chose de mieux, j'essaie de ne pas avoir peur, de ne pas flancher, de ne pas me laisser imposer mes choix par ceux qui crient le plus fort. Je ne veux pas faire partie de cette minorité de "haters" qui dicte sa loi. Je veux seulement faire comme tout le monde et donner mon avis, même si je sais que cela n'a aucun intérêt car il se perdra dans le flot d'informations, d'avis, de conseils auquel tout un chacun est exposé chaque jour. 

J'espère juste que si demain est plus beau qu'aujourd'hui, j'aurais apporté une infime part à ce grand édifice. 

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Aujourd'hui j'ai eu une révélation : ma mère est une perverse narcissique. Elle est incapable de voir le mal qu'elle nous fait subir. Elle ne se rend pas compte qu'elle nous détruit, pour son bien. Ma mère est l'archétype de l'homo debilis

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